Un sourire crispé sur les lèvres et les mains croisées sur la poitrine, Sohane observe un peu en retrait Assad qui enlace Anahita. Il rayonne et respire la vie, quand il attrape sa fille, leur fille pour la faire tourner dans ses bras, un rire facile et joyeux qui le secoue. Derrière sa sœur, Qassim trottine lui aussi, de sa démarche chancelante de bambin et réclame à son tour les bras paternels. Le tableau est beau à regarder, franchement attendrissant, même. Mais, tout ce que Sohane ressent n’est qu’une vive jalousie d’observer Assad débordant de vie, quand elle meurt peu à peu de cette immobilité. Et quand enfin, il s’approche pour l’embrasser à son tour, elle se tend un peu plus encore. S’il sent sa rigidité, il n’en laisse rien paraitre et prend la tête de la cohorte de pirates qui arrivent bruyamment. En plus de leur or, ils apportent les victuailles qui alimenteront la fête de ces prochains jours. Comme à chaque fois, c’est tout l’équipage qui débarque et investit pour deux ou trois jours les lieux pour célébrer. Chiara, en fin observatrice, ne commente rien et s’approche de deux enfants, prétextant de vouloir, elle aussi, profiter de son neveu et de sa nièce, et lance un regard convenu à Assad. Tout ce temps, Sohane n’a fait que fixer Assad, les mâchoires crispées. Il a la peau burinée par le soleil et l’eau de mer, et tout ce à quoi elle pense, c’est à la colère encore sagement maitrisée qui pourrait ressurgir à tout moment. Elle voudrait profiter de son retour, être heureuse de le retrouver après ces semaines qui lui ont semblées bien trop longues. Il n’y que le vide, et le ressentiment qui le comble, pourtant.